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Un Beau Mariage

Marco Valdo M.I.
Langue: français



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Canzone française – Un Beau Mariage – Marco Valdo M.I. – 2012
Histoires d'Allemagne 63

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.


Ah, Lucien l'âne mon ami, je t'invite à un mariage. Tu y rencontreras le marié... Il s'appelle Heiner, le bébé, ce sera une fille qui s'appellera Beate... et la mariée. Là, je ne sais pas comment elle s'appelle... Elle ne le dit pas. C'est elle qui raconte cette histoire. L'histoire de son mariage et tout ce qui s'ensuit. Ça se passe en mil neuf cent soixante-quatre, à Francfort ...

Donc, si je comprends bien, si je lis bien entre les lignes, le bébé est déjà là... C'est peut-être la cause du mariage...

En effet, tu lis bien entre les lignes. C'est un mariage un peu pressé... tellement d'ailleurs que cette circonstance va entraîner, comme dans une comédie, une série de faits inattendus et suffisamment burlesques pour être drôles. Sauf que.... On pourrait comparer cette série de quiproquos en cascade à ce qu'on peut voir dans les films à l'humour ravageur des frères Marx ou chez Mel Brooks. À commencer par un fabuleux retard des mariés... Qui ainsi doublement pressés, vont se tromper d'étages et aboutir dans la salle d'audience d'un tribunal... Oh, pas n'importe quelle salle d'audience, pas n'importe quel tribunal et dès lors, pas n'importe quel procès... On est à Francfort en 1964 dans le bâtiment municipal du Römerberg et on débouche dans la salle du tribunal qui juge les accusés d'Auschwitz...Une plongée dans l'horreur absolue... Je te propose un passage de cette pièce, intitulée L'Instruction , où un des juges est interprété par Pierre Dac.

Et ensuite, que dit la chanson ?, demande Lucien l'âne.

Tu sais, Lucien l'âne mon ami, les chansons ne sont pas des comptes-tendus sténographiques de procès, ni des rapports, ni des articles documentaires... Elles ont plutôt tendance à procéder par ellipse... ici, elle dit – la chanson – que la narratrice a assisté à l'ensemble du procès et qu'elle n'a jamais pu oublier ce qu'elle y a entendu. Elle n'en dira pas beaucoup plus... Mais il est une chercheuse française Véronique Chevillon qui s'est intéressée à ce procès et spécialement, également, aux Sonderkommandos et elle a rassemblé bien des informations à ce sujet. Je lui dédie cette chanson. En fait, elle a mené – je devrais ajouter elle mène – ce travail avec la même obstination que celle qui préside aux Chansons contre la Guerre – afin que l'on sache, afin qu'on n'oublie jamais.

Oh, dit Lucien l'âne, on devrait lui faire connaître les chansons de Dachau Express que tu as écries et qui peut-être pourraient l'intéresser... Quant à nous, nous allons continuer avec nos Histoires d'Allemagne à rappeler le devoir de résistance – Ora e sempre : Resitenza ! et à tisser le suaire de ce vieux monde full of song and fury et cacochyme.


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Mil neuf cent soixante-quatre, à Francfort
Croyez-moi, je m'en souviens encore
Même des années plus tard quand on a pris de l'âge
On se souvient toujours de son mariage.

Pour un beau mariage, ce fut un beau mariage
Sauf qu'on avait dû se marier vite fait
J'étais dans un état intéressant, qu'ils disaient
Il était temps de constituer notre ménage.

Pour un beau mariage, ce fut un beau mariage
Sauf qu'on s'était trompé d'étage.
Ne croyez pas qu'on l'avait fait exprès
Mais tous ces escaliers nous ont menés au procès.

Quel procès ?, je leur ai dit. Qui c'est qu'on juge ici ?
C'est le procès d'Auschwitz qu'ils m'ont dit.
Ici, qu'ils nous ont dit, c'est pas le bon endroit
Pour les mariages, c'est deux étages plus bas.

Qui c'est Auschwitz, que je demandais dans l'escalier
Heiner, mon mari, a dit : tu venais de naître quand ça s'est passé.
Toujours en courant, je le relevais ma robe, on voyait l'ourlet
On est arrivés tout dépareillés, les témoins rigolaient.

Le lendemain, après la fête, je me demandais
Est-ce vrai ce qu'on m'a raconté?
Je voulais savoir vraiment ce qui s'était passé.
Je voulais voir de mes yeux, entendre ce procès

Dans mon ventre, il y avait le bébé et je me disais
Si c'est vrai ce qui s'est passé...
Alors, j'y suis allée jusqu'au bout et j'ai tout écouté
J'ai tout entendu et le pire dans ce procès.

À chaque anniversaire de notre mariage
Comme par un fait exprès
Rien à faire, on se trompe d'étage
Et je le revois tout entier ce procès.

J'entends toujours ces braves gens qui ne savaient pas compter
J'entends toujours ces doux assassins qui avaient tout oublié
Je revois leurs regards voilés et leurs yeux rusés.
J'entends ces gentils tueurs qui hésitaient à tout avouer.

Mil neuf cent soixante-quatre, à Francfort
Croyez-moi, je m'en souviens encore
Même des années plus tard quand on a pris de l'âge
On se souvient toujours de son mariage.

envoyé par Marco Valdo M.I. - 17/3/2012 - 22:03




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