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Su patriottu Sardu a sos feudatarios [Procurad' e moderare]

Francesco Ignazio Mannu
Page de la chanson avec toutes les versions


Traduction de Michele Angelo Murgia
ADRESSE DU PATRIOTE SARDE AUX FEUDATAIRES

Tâchez de modérer,
Barons, votre tyrannie,
Car sinon, sur ma vie,
Vous remettrez pied à terre!
Déjà est déclarée la guerre
Contre votre prépotence,
Et commence à manquer
Dans le peuple la patience.

Prenez garde, contre vous
S'allume l'incendie;
Prenez garde, ce n'est pas un jeu,
La chose peut devenir vraie;
Prenez garde, dans l'air
La tempête menace;
Gens mal conseillés,
Ecoutez ma voix.

Ne piquez plus des éperons
Votre pauvre haridelle,
Sinon à mi-chemin
Irritée elle se cabrera;
Voyez comme elle est maigre et fatiguée,
Elle n'en peut plus;
A la fin, à bout de force
Elle jettera à bas son cavalier.

Le peuple qui dans une léthargie
Profonde était enterré,
En se réveillant finalement,
S'aperçoit qu'il est enchaîné,
Qu'il souffre la peine
De son antique indolence:
Le féodalisme, loi ennemie
De toute bonne philosophie.

Comme si c'était une vigne,
Un enclos, un petit champ,
Les villages ont été donnés
En cadeau ou vendus à perte;
Comme un troupeau
De brebis pâturant,
Hommes et femmes
Ont été vendus avec leurs petits.

Pour quelque mille lires
Et d'autres fois pour rien
Tant de populations
Eternellement esclaves,
Et des milliers de personnes
Au service d'un tyran.
Pauvre genre humain,
Pauvre race sarde!

Dix ou douze familles
Se sont réparti la Sardaigne
D'une manière indigne;
Elles se la sont appropriée,
Elles ont divisé les villages
Depuis l'aveugle antiquité.
Mais l'époque présente
Pense à y remédier.

Le Sarde naît soumis
A mille commandements
Tributs et impôts
Qu'il paie à son seigneur
En bétail et labeur,
En argent et nature;
Il paie pour la pâture,
Et paie aussi pour les labours.

Bien avant que les fiefs existent,
Les villages existaient,
C'étaient eux les patrons
Des bois et des champs.
Comment donc, Barons,
Sont-ils à vous passés?
Celui qui vous les a donnés
Ne pouvait pas vous les donner.

Il n'est pas présumable
Que tant de pauvres gens
Aient volontairement
Cédé un tel droit;
Votre droit d'inféodation,
Ergo, est illégitime,
Et les villages ont raison
De le vouloir réfuter.

Les impôts au début
Vous les exigiez limités,
Mais depuis ils vont
Chaque jour augmentant;
A mesure qu'ils croissaient
Vous avez crû en faste,
A mesure que vous dépensiez
Vous cessiez d'être économes.

Nul besoin d'alléguer
D'antiques possessions;
Avec menaces de prison,
Avec châtiments et peines,
Avec fers et chaînes;
Les pauvres ignorants
Des droits exhorbitants
Les avez forcés à payer.

Au moins qu'ils soient employés
A maintenir la justice,
En châtiant la mauvaiseté
Des méchants de la région;
Au moins quelque secours
Auraient pu recevoir les bons,
Pour aller et venir
En sûreté sur les chemins.

C'est cela l'unique fin
Des taxes et autres dus,
Vivre tranquille et sûr
Sous l'égide de la loi;
Mais de cette fin nous prive
Le Baron avaricieux.
Sur les seuls frais de justice
Il se montre économe.

Le premier qui se présente
Se déclare officier,
Qu'il fasse bien ou qu'il fasse mal,
Pourvu qu'il ne réclame salaire:
Procureur ou notaire,
Domestique ou laquais,
Qu'il soit noir ou qu'il soit blanc,
Il est bon pour gouverner.

Il suffit qu'il y mette du sien
Pour faire augmenter la rente,
Il suffit qu'il contente
La bourse du seigneur;
Qu'il aide le fermier
A payer promptement,
Et si quelqu'un est réfractaire,
Qu'il sache ce qui lui reste à faire.

Parfois, comme s'il était baron,
C'est le chapelain qui gouverne
D'une main le village
De l'autre son privilège.
Feudataire, réfléchis
Que tes vassaux ne sont pas là
Seulement pour te rendre plus riche
Ni pour que tu les écorches.

Ton patrimoine et ta vie,
Pour les défendre, le vilain
Avec les armes à la main
Doit demeurer jour et nuit;
Du moment qu'il en est ainsi,
Pourquoi tant de tributs?
S'il n'en retire aucun fruit,
C'est folie que de les payer.

Si le baron ne remplit pas
Ses propres obligations,
Vassal, de ton côté,
A rien tu n'es obligé;
Les droits qu'il t'a extorqués
Durant toutes les années passées,
Sont des deniers qu'il t'a volés
Et qu'il doit te restituer.

Ses revenus servent seulement
Pour entretenir des amants,
Pour des carrosses et des livrées,
Pour des services inutiles,
Pour alimenter ses vices,
Pour jouer à la bassette
Et pour baisser sa braguette
Dès qu'il n'est plus à la maison;

Pour pouvoir dresser quinze
Ou vingt plats sur sa table,
Pour que puisse sa marquise
Aller en chaise à porteurs;
Sa chaussure trop étroite
Fait boitiller la pauvrette,
Les cailloux la blessent trop,
Elle ne peut plus se promener.

Pour une seule lettre
Le vassal, ce pauvret,
Fait des journées de marche
A pied, sans être payé,
Nu-pied et presque nu,
Exposé à toutes les intempéries,
Et pourtant il doit supporter,
Et pourtant il doit rester muet.

Voilà comment est employée
Du pauvre la sueur!
Comment, Père éternel,
Souffrir tant d'injustices?
O vous, Justice divine,
Portez remède à ces choses-là;
Vous seul des épines
Pouvez faire naître des roses.

O pauvres des villages,
Travaillez, prenez de la peine,
Pour entretenir en ville
Tous ces chevaux d'écurie.
A vous ils laissent la paille,
Pour eux ils prennent le grain
Et pensent soir et matin
Seulement à s'engraisser.

Le seigneur feudataire
Se lève sur les onze heures:
Il va de son lit à sa table
Et de sa table à ses jeux;
Et puis pour se distraire
Il va faire le galant;
Et quand arrive la nuit:
Théâtre, bal et divertissements.

Combien différemment
Son vassal passe le temps!
Bien avant l'aurore
Il est sorti aux champs;
Qu'il neige ou vente en montagne,
Ou que le soleil arde,
C'est toujours pareil.
O le pauvret! Comment
Peut-il le supporter?

Avec la pioche et la charrue
Il peine toute la journée;
A l'heure du déjeuner
Il n'a qu'un bout de pain.
Bien mieux nourri en ville
Est le chien du baron,
Surtout s'il est de cette race
Que l'on porte en manchon.

Craignant que l'on porte remède
A de si grands désordres,
A coups de manœuvres et de mensonges
Les Cortes ont tout empêché;
Ils ont tenté d'écarter
Les magistrats les plus zélés,
En les réputant arrogants
Et contre la Monarchie.

A ceux qui ont plaidé
En faveur de la patrie,
Qui ont dégainé l'épée
Pour la cause commune,
Ils voulaient leur passer
La corde au cou, les pauvrets,
Ou comme Jacobins
Les voulaient massacrer.

Mais le Ciel a défendu
Visiblement les bons,
Il a jeté à terre le puissant
Et élevé les humbles.
Dieu qui s'est déclaré
En faveur de notre patrie,
De toutes vos manigances
C'est lui qui nous sauvera.

Perfide feudataire!
Pour tes intérêts personnels
Tu t'es déclaré
Le protecteur du Piémontais.
Avec lui tu t'es entendu
Avec grande facilité;
Lui il mange en ville,
Et toi, à l'envi, au village.

C'était pour les Piémontais
Une aubaine que la Sardaigne
Comme les Indes pour l'Espagne
Ils se trouvent ici chez eux;
Contre nous élève la voix
Jusqu'au valet de pied;
Que l'on soit plèbe ou cavalier
Le Sarde devait être humilié.

Eux, de cette terre
Ils ont retiré des millions.
Ils arrivaient sans pantalon
Et s'en repartaient pleins de galons.
Jamais ils ne seraient venus
Si nous avions mis le feu partout!
Maudit soit le pays
Qui créa une pareille engeance!

Eux, ils trouvaient chez nous
Des mariages avantageux,
Les emplois étaient pour eux,
Les honneurs étaient pour eux,
Et les principales dignités
De l'église, de la toge et de l'épée;
Au Sarde il ne restait
Qu'une corde pour se pendre.

Ils nous envoyaient les mauvais
En châtiment et correction,
Avec la paie et la pension,
Avec l'emploi et la patente.
Des gens pareils en Moscovie
On les envoie en Sibérie,
Afin qu'ils meurent dans le malheur,
Mais pas pour être gouverneur.

Cependant que dans notre Ile
Nombre de jeunes gens
Pleins de vertus et de talent
Restent dans l'oisiveté;
Et si quelqu'un en employait
Ils cherchaient les plus benêts,
Car mieux leur convenait
Avec ce genre de gens traiter.

Si dans un emploi subalterne
Un Sarde avait de l'avancement
Le cadeau n'était pas assez
De la moitié de son salaire,
Il fallait aussi qu'il envoie
Des chevaux de race à Turin
Et de belles caisses de vin,
De muscat et de malvoisie.

Transférer en Piémont
Notre or et notre argent
Est de leur gouvernement
Le principe fondamental.
Qu'elle aille bien ou mal,
La Sardaigne leur importe peu,
Au contraire ils croient désavantageux
De la laisser prospérer.

Elle a ruiné notre Ile
Cette race de bâtards;
Les privilèges sardes
Ils nous les ont volés,
De nos archives ils ont emporté
Les plus importants documents,
Et comme des écrits inutiles
Aux flammes ils les ont livrés.

De ce fléau, en partie
Dieu nous a délivrés;
Les Sardes ont chassé
Ce fatal ennemi;
Et toi tu es son ami,
O baron sarde indigne,
Et toi tu t'emploies
A le faire revenir!

Et pour cela, impudemment,
Tu pries pour le Piémont,
Homme faux! qui portes au front
La marque du traitre;
Tes propres filles
Font bien des honneurs à l'étranger,
Fût-il un moins que rien,
Pourvu qu'il ne soit pas un Sarde.

S'il arrive que tu ailles à Turin,
Il te faut baiser
Du ministre les pieds
Et à un autre... tu m'entends;
Pour obtenir ce à quoi tu prétends
Tu vends ta propre patrie,
Et qui sait si tu ne cherches pas
A discréditer aussi les Sardes.

Tu laisses là-bas ta bourse
Et comme prix tu reviens
Avec une croix de quatre sous sur la poitrine
Et une clé sur tes basques;
Pour construite une caserne
Tu as ruiné ta maison,
Et tu as mérité le titre
De traitre et d'espion.

Le Ciel ne laisse jamais
La méchanceté triompher;
La monde doit réformer
Les choses qui vont mal;
Le système féodal
Ne peut plus durer;
Cette façon de vendre pour de l'argent
Les Peuples doit cesser.

L'homme que l'imposture
Avait déjà dégradé,
Semble à son ancien rang
De nouveau vouloir remonter;
Il semble qu'à son ancienne dignité
Prétende l'humanité...
Sardes, réveillez-vous
Et suivez ce guide-là.

Voici, peuple, l'heure
D'extirper les abus!
A bas les mauvaises lois,
A bas le despotisme!
Guerre, guerre à l'égoïsme,
Et guerre aux oppresseurs,
Ces tyrans au petit pied
Il est l'heure de les humilier.

Sinon, un jour vous aurez
A vous en mordre les doigts;
A présent que le fil est ourdi,
C'est à vous de le tisser;
Prenez garde que les regrets
Ne viennent trop tard;
Quand le vent est favorable
Il faut vanner le blé.





















LE PATRIOTE SARDE

1. Veillez à modérer,
Barons, la tyrannie,
Car sinon, sur ma vie,
Vous allez regretter!
La guerre est déclarée
Contre votre arrogance,
Du peuple la patience
Vient déjà à manquer..

2.Le feu de la colère
S'allume contre vous;
Cette fois le courroux
Vrai! nous exaspère;
Voyez que dans le ciel
Menace la tempête;
Gens à la vide tête,
Et à la voix de fiel.

3.Enfoncez l'éperon
Sur cette pauvre bête:
Volerez dessus-tête
Du pauvre canasson;
Amaigri, éreinté
Le cheval n'en peut plus;
Finalement, fourbu
Vide le cavalier.

4.Le peuple dessillé
De son profond sommeil,
Brusquement se réveille,
S'aperçoit enchaîné,
La source de ses maux
Est l'indolence ancienne:
Féal, jamais ne mènent
A sagesse, tels baux.

5.Que ce soient nos vignes,
Bercails ou bergeries,
Bourgs vous les ont fournies
Gratis ou contre mie;
Ils ont vendu ensemble
Le bétail - à vil prix -
Les hommes et les femmes
Et même leurs petits.

6. Pour quelques francs en somme,
Parfois même pour rien,
Ils ont fait des esclaves
De tant de gens de bien,
Des milliers d'êtres enfin
Servent quelques tyrans.
O pauvre genre humain,
Pauvres Sardes migrants!

7.Dix ou douze familles
Se sont mangé nos terres
(Sardes n'êtes vous guère
Honteux de l'infamie?)
Phagocytant nos villes
Et les cités antiques
Mais le présent, iniques
Y remédie. Et file!

8.Sarde né sous le joug
De cent taill' et corvées:
Taxes, impôts, tributs
Gavent les gens "biens-nés"
En bêtes, en journées
En argent, en nature;
Il paie pour les pâtures,
Et ...paie pour travailler.

9.Bien avant ces "Saigneurs"
Il existait des Villes,
Qu'entouraient plus de mille
Bois et champs de senteurs.
Expliquez donc comment,
Vous avez fait main basse
Sur des terres si lasses
Sans verser un talent?.

10.Il me semble impossible
Que c'est sans coup férir
Qu'un pauvre a pu souffrir
Qu'on le vole, impassible;
C'est sans titre ni droit,
Que le fief est transmis,
Le peuple cette fois
S'oppose à l'ennemi.

11. Les taxes qu'au début
Tu réclamais, réduites,
Sont devenues bien vite
Un immense tribut,
Et tandis que s'accroît
Votre luxe, vos fastes,
La misère est si vaste
Chez le peuple d'en bas.

12. Souffrez qu'on vous dénonce
L'antique possession;
Menacez de prison,
De piloris ou ronces,
De lacets et de chaînes
Les pauvres ignorants
en droits exorbitants
Vous les chargez de même.

13. Pourtant feriez bien mieux,
Vous qui parlez "justice",
De châtier la malice
Des brigands de ces lieux;
De soulager les bons
qu'ils puissent s'appliquer,
Tranquilles et puis vaquer
A leurs occupations.


14. C'est à cela que servent
Les taxes et les cens:
Que l'on vive contents
Sans aucune réserve;
De cela le Baron
Nous prive. D'avarice,
Y compris en Justice
Se connaît le poltron.

15. Le premier se présente:
- Promu en caporal!
Pourvu qu'il se contente
D'un salaire bancal:
Procureur ou Notaire,
Chambellan ou laquais,
Qu'il soit noir ou bien bai:
Mais qu'il nous fasse taire.

16. Il suffit qu'il leur prête
Pour fair' croître la rente,
Quelque main qui contente
La soif de ces Soufiettes;
Qu'il aide les huissiers
A grandir les ruisseaux,
D'argent des Hoberaux
Et s'il le faut : ester.

17. Un chapelain nous mène,
Comme s'il était le maître
D'une main il nous prête
de l'autre nous enchaîne.
Feudataire, ne pense
Pas que tous tes vassaux
Ne sont que des nigauds,
Prêts à graisser ta panse.

18.
Pour défendre ses fruits,
Il faut que le Villain
Garde l'arme à la main
De jour comme de nuit;

Puisqu'il en est ainsi,
Pourquoi tant de tracas?
S'il n'en retire un fruit
Est fou qui paiera.

19.
Si Baron n'est tenu
A ses obligations,
Vassal, tu n'es pas plus,
Obligé sans raison;

Droits qu'on nous a niés
sur tant et tant d'années,
Et tout l'argent volé
Seront restitués.

20.
Ses rentes n'ont servi
Qu'à payer ses maîtresses,
En carrosses, en ivresses,
Bouches inutiles aussi,

Ses vices, il alimente,
En jouant à tripot,
Sa braguette se vante
De s'ouvrir à Margot.

21.
Pour inviter à table,
Vingt amis détestables,
Et pour que sa Marquise
Toujours se sente exquise,

Les escarpins la serrent?
Laquais - peur de boîter,
crainte de toucher terre -
Portent "sa majesté".

22.
Pour porter une lettre
Le pauvre vassal fait
Des journées sans n'être
Lui, même pas payé,

Nu-pieds et bien crotté,
Dans les intempéries;
Fait gros dos et se plie,
Et toujours sans broncher.

23.
C'est ainsi que le Vice
du pauvre tire sueur!
Comment, peux-tu Seigneur,
Souffrir tant d'injustice?

Toi, Justice Divine,
Remédie à ces choses,
Toi qui de chaque rose
Seul, enleves l'épine.

24.
O pauvres villageois,
Travaillez, travaillez
Pour qu'en Ville l'on soit
Confortables, choyés,

Vous glanez des fétus,
Eux se mangent bon grain:
Pensant soir et matin
A se voir bien ventrus.

25.
Le Seigneur Feudataire
A midi-fait se lève:
Rit et fait bonne chère,
Et mène vie de rêve:

Puis - pauvre désoeuvré!-
Il court compter fleurette;
Bals et festivités:
Rentre la nuit bien faite.

26.
Combien de fois dolore
Est vie de valetaille!
Toi qui avant l'aurore
Déjà debout, travailles;

Vent ou neige en montagne,
Sur plaine, sol ardent.
Pauvre hère! Comment
Supportes-tu ce bagne?

27.
Avec houe et charrue
Peine jour après jour;
Et à midi toujours
Pour mets: mie menue.

Mieux nourri est le chien
Du Baron, en la ville,
Surtout race docile
Qu'on mène sans lien.

28.
Craignant que l'on réforme
Des abus si notoires,
Les Cours nous font accroire
Avec fables énormes

Et mensonges éhontés
Nos patriciens zélés,
Seraient - qu'on se méfie!
contre la Monarchie!

29.
Alors que c'est pour une
Patrie qu'ont péroré,
Et sorti leur épée
Ceux de la caus' commune,

La corde au cou enfin
Allait vous les calmer!
ou comme Jacobins
allait vous les massacrer.

30.
Visiblement le Ciel
A soutenu les bons,
Atterrant les barons,
Gloire aux humbles mortels!

Dieu, qui s'est déclaré
De la Juste Patrie,
De votre ignominie
Saura nous délivrer.

31.
Perfide Feudataire!
C'est donc par intérêt
Que, promu mandataire
Tu sers les Piémontais.

Ah! Vous vous entendez
Comme larrons en foire;
Lui se groinfre au palais,
Et toi dans ton manoir!.

32.
Car pour les Piémontais
La Sardaigne est cocagne;
C'est le Pérou d'Espagne
Eldorado si près;

Même un garçon de course
Nous grondait quelquefois;
Qu'il soit plèbe ou soldat,
Le Sarde ouvrait sa bourse.

33.
Tirant de notre terre
De l'or à millions
En haillons n'y a guère
Ils repartent en galons.

Ichnuse par le feu
Ils réduisent en silence!
Maudit soit donc le lieu,
Créant pareille engeance!

34.
Ici viennent cueillir
Toutes nos filles en fleurs
Les riches sans coup férir,
Les abandonnent en pleurs,

Honneur il faut leur rendre
d'Eglise, Toge, Epée:
Au Sarde n'est restée
que corde pour se pendre.

35.
Les plus mauvais commandent:
A nous les corrections.
S'octroient paie et pension,
Et emplois de prébende.

A Moscou leurs pareils
S'envoient en Siberie,
Pour geler sans sommeil,
Voir ce qu'est tyrannie.

36.
Dans notre Ile entre-temps
La jeunesse est laissée
Oisive, abandonnée
Quel gâchis de talents!

Et s'il faut qu'on embauche,
Le plus sot, le plus gauche
Est pris car il convient:
Puisqu'il ne dira rien!

37.
Si par chance chez eux
Un Sarde peut entrer,
- Un Sarde ? - tant qu'à faire
Soit! Moitié de salaire,

Y passe, nécessaire
Purs-sangs vont à Turin,
Et caisses de bon vin,
Muscadet, malvoisie.

38.
Tirer pour le Piémont,
notre or et notre argent
C'est le gouvernement
de principe qu'ils font.

Qu'il pleuve ou bien qu'il vente,
Rien leur importe peu,
Que la récolte est lente :
La Sardaigne est à eux.

39.
Notre Ile ils ont ruinée
A nourrir leurs bâtardes;
Carta de Logu sarde
Ils nous ont abrogée,

Volés les parchemins
Où Sardes étaient égaux,
Tous les écrits anciens
Sont jetés dans leur Pô.

40.
D'une part du fléau,
En partie libérés;
Maintenant, il nous faut
Ecarter tout danger;

Et toi tu t'es allié,
O Baron sarde indigne;
A l'ennemi insigne
Et veux le ramener!

41.
Avec quelle impudence,
Le Piémont manigance!
Traître, portes au front
La marque du félon;

Ta fille est fine bouche
Honorant ces gens louches,
Tandis que preux et joli,
Le Sarde est éconduit.

42.
Si tu vas à Turin,
Baise-lui bien les pieds
Au Ministre enchanté,
Et même..., tu sais bien,

Pour exaucer tes voeux
Tu vendrais ta patrie,
Ourdis ton plan foireux :
Sardes sont tous honnis.

43.
Ta bourse, tu transfères,
Et pour ta récompense
Une croix sur la panse,
Une clef au derrière;

Pour faire, toi, le pitre
Tu ruinas nos maisons,
Et ce sont vos espions
Qui ont volé nos titres.

44.
Le Ciel jamais ne laisse
Triompher tout ce mal;
Monde n'aura de cesse
Tant que vivra chacal;

Système inféodé
Vois : tes jours sont comptés,
Le Peuple va t'obliger
A rendre l'or volé.

45.
L'homme qu'une imposture
Fourbe avait avili,
Lève la tête aussi
Et réclame tenure;

Il réclame son rang
Se souvient d'être humain ...
Sarde éveillé soudain
Revit l'appel du sang.

46.
Peuple, voici donc l'heure
D'extirper les abus!
A bas les mufles obtus,
A bas le despotisme!

Guerr', guerr' à l'égoisme,
Et guerr' aux oppresseurs,
Ces tyrans mineurs
Il faut les humilier.

47.
Sinon vous en mordrez
Fous de rage, les doigts:
Quand les fils sont ourdis
Il convient de tisser;

Fais gaffe, le faraud!
et tardif repenti;
Rouge, comme il se doit
Le fer, battez-le chaud.


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