Jeux de Guide

Dialogue Maïeutique



Tout d’abord, Lucien l’âne mon ami, il me faut éclairer un point que j’avais laissé dans l’ombre depuis longtemps.

Ah, dit Lucien l’âne, de quoi s’agit-il ?

Eh bien, du pourquoi du comment de cette longue série de canzones qui racontent la Zinovie. La raison en est que dans ce monde de moijes intégristes, de déments autocratiques, une guerre ici chasse l’autre là-bas de l’attention sans que pour autant les massacres et les destructions qu’elles engendrent cessent ; les guerres s’entassent de par le monde en un désordre, un chaos qui profitent aux guerriers agresseurs. Face à cette déréliction, il convient de s’en tenir à une cohérence et à ne pas se laisser distraire par les girouettes et les miroirs aux alouettes dont se servent ces ahuris. On pourrait, si l’on suivait ces baguenaudeurs, ces montreurs de foire, sauter comme des puces et sombrer à leur suite dans l’imbécillité criminelle. On l’avait déjà dit, mais nous on tiendra jusqu’où on tiendra et ensuite, advienne que pourra de l’humanité.

Oui, dit Lucien l’âne, il faut faire ainsi. Cela dit que raconte cette canzone ?

Comme tu le verras ou tu l’entendras, Lucien l’âne mon ami, cette canzone débute comme une contine – que j’aime mieux imaginer comme un petit conte, car on doit normalement écrire comptine… mais passons. La canzone débute en reprenant mot pour mot une expression courante, une sorte de dicton que l’on entend dans l’enfance.

Quel est donc, demande Lucien l’âne, ce drôle de dicton, et dans quelle circonstance en a-t-on connaissance ?

Je commencerai par la circonstance, répond Marco Valdo M.I. Donc, lorsque des enfants qui jouent ensemble, sont pris par le jeu et commencent à s’empoigner et à se secouer un peu fort, on dit qu’ils en viennent aux mains. Si l’intensité des échanges augmente encore, souvent, l’un ou l’autre adulte intervient pour calmer les ardeurs et les acteurs et crie : « Jeu de mains, jeu de vilains ». Mais dès lors, que sont ces vilains ? Le mot « vilain » originellement désignait le pauvre, le paysan, le « pas noble », le « pas gentil ». De nos jours, hic et nunc, on ne parle plus de vilains dans nos campagnes. Par contre, le mot vilain – nom ou adjectif – a pris le sens de méchant, mauvais et a gardé celui de « pas gentil » ; mais il faut dire que le mot « gentil » lui-même a changé de sens .

Arrête-toi là, dit Lucien l’âne. Dis-moi plutôt ce que ce « vilain » vient faire dans la chanson.

C’est le mot -clé, reprend Marco Valdo M.I., le fondement de la première partie :

« Jeux de mains,
Jeux de vilains.
Jeux de Guides,
Jeux sordides. »
Il vise les Guides (de Zinovie et d’ailleurs) qui ont des allures et des manières de vilains – au sens contemporain de méchants, mauvais, malintentionnés, immoraux…Et puis, l’accent est mis sur le rapt d’enfants du pays voisin que la Zinovie a envahi et montre du doigt une drôle de dame qui supervise ce drôle de drame et organise le rapt industriel à l’échelle d’un pays.

« Drôle de jeu, drôle de drame,
Jeu d’une drôle de dame.
Enfant disparus,
Enfant perdus. »

On en comprend la raison, dit Lucien l’âne, quand on sait que la Zinovie connaît un terrible recul démographique. La production nationale ne suffit plus et il lui faut donc importer du sang nouveau. C’est une sorte de vampirisme. En quelque sorte, pour survivre, l’Empire se fait vampire.

C’est bien ça, continue Marco Valdo M.I. et ensuite, le deuxième douzain s’en prend directement aux Guides qui se traitent mutuellement de fous et leur donne raison à tous. Il énonce aussi leur ambition maniaque de dominer tout et tous.

« Notre Guide a dit :
L’autre Guide est fou.
En miroir, je dis :
Tous les Guides sont fous. »

Oh, dit Lucien l’âne, tout ça, c’est la nature des Guides. La seule question qui se pose à leur propos, c’est « comment s’en débarrasser ? »

Et le Trouvère apporte la solution, dit Marco Valdo M.I. :

« Il faudrait les enfermer
Et les laisser entre eux
À leurs macabres jeux
Jusqu’à la fin de l’éternité. »

Et puis encore, Lucien l’âne mon ami, c’est le troisième douzain, où les gens dénoncent l’hypocrisie et le mensonge permanent du Guide et lui demandent des comptes :

« C’est déjà sa cinquième guerre.
Où est la paix promise hier ?
Honte, honte, honte ! »

Il y a de quoi, dit Lucien l’âne. Ce Guide est un bonimenteur, comme tous les Guides, il triche tout le temps ; c’est un escroc. Que conte la suite ?

La suite, Lucien l’âne mon ami, c’est tout autre chose ; c’est l’histoire d’un photographe qui est condamné et envoyé en camp pour avoir exercer son métier.

« Le photographe a photographié
Toute la Zinovie.
Les images étaient son métier,
Ses photos étaient toute sa vie. »

Je comprends, dit Lucien l’âne, pourquoi on l’a arrêté et mis au camp. C’est que les photographies qu’il avait accumulées pendant des années avaient le grand tort de montrer la réalité et de révéler la vraie histoire. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde tricheur, menteur, exploiteur, envahisseur, tueur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane