Lingua   

Samuel

Manu Lods
Lingua: Francese


Manu Lods


La chanson évoque sous forme de chronique rapportée par un professeur d'une école catholique la persécution des juifs en France durant la seconde guerre mondiale
CD "Vrai métier" 2012

Vrai métier
Hier, lundi 22, François est entré dans ma classe
Les genoux cagneux, les godillots couverts de crasse
Le père Louis-Marie l’a présenté, l’a fait s’asseoir
Mon cours a repris au temps des invasions barbares

23 février, je regarde par le carreau
Mes 16 écoliers dans la cour avec le nouveau
Notre pensionnat cache aujourd’hui dans sa chapelle
Un petit François, qui, je le sais, s’appelle Samuel

Mercredi 3 mars, nous sommes allés dans la forêt
Tailler des échasses, chanter Aux marches du palais
Parmi les fougères, par brassées nous avons cueilli
Pour la cuisinière tout un repas de pissenlits

Ce soir, mardi 30, nous ne pouvons plus nous chauffer
Le charbon nous manque, les enfants dorment emmitouflés
Même au réfectoire, la soupe est de plus en plus claire
Le pain se fait rare, et tout ce qui est rare est cher

Ce jeudi 1er, j’ai reçu par le marchand de bois
Une lettre cachetée que je dois remettre à François
Sa mère lui écrit d’un petit village de Provence
Mais le ciel est gris, on a coupé en deux la France

Nous savons tous deux que passer de l’autre côté
Est un jeu dangereux, si le commis du boulanger
Livrait dans un bois, pour quelques billets criminels
Ceux qui, comme François, ont été prénommés Samuel

Mercredi 3 juin, on parle de rafles sauvages
L’étau quotidien se resserre encore davantage
Nous sentons tanguer la coquille de noix du destin
Dont mon protégé est le passager clandestin

11 juin, mardi, les boucs émissaires de la peur
Sont au pilori, une cible cousue sur le cœur
François, vendredi, me dit qu’il va tenter sa chance
Partir à minuit pour le Midi, pour la Provence

Juillet sous la pluie, nous ne gardons que peu d’enfants
La père Louis-Marie veut rejoindre les combattants
Ce 4 août, au soir, il vient de me serrer la main
Dernier au revoir, je crois que j’ai peur pour demain

J’aime la rentrée, les bérets aux porte-manteaux
L’odeur des plumiers, les doigts levés de mes minots
Mais dans la journée, parfois, je regarde la vitre
Il n’a rien laissé dans le casier de son pupitre

Enfin, je reçois fin septembre de ses nouvelles
Un mot de François, qui cette fois, signe Samuel
Il me remercie, dit qu’il a trouvé du boulot
Dans une épicerie, et que, dans le sud, il fait beau

Lundi 11 novembre, un encrier s’est renversé
Sur la carte de France, tout le Sud en est maculé
Dans le contre jour, d’un coup, j’ai revu ses yeux noirs
J’ai repris mon cours au temps des invasions barbares

inviata da JJ - 7/11/2017 - 18:32




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