Originale | Il testo originale della poesia di Aragon. |
ROBERT LE DIABLE | COMPLAINTE DE ROBERT LE DIABLE |
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Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval | Tu portais dans ta voix comme un chant de Nerval |
Quand tu parlais du sang jeune homme singulier | Quand tu parlais du sang jeune homme singulier |
Scandant la cruauté de tes vers réguliers | Scandant la cruauté de tes vers réguliers |
Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles | Le rire des bouchers t'escortait dans les Halles |
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Tu avais en ces jours ces accents de gageure | Parmi les diables chargés de chair tu noyais |
Que j'entends retentir à travers les années | Je ne sais quels chagrins Ou bien quels blue devils |
Poète de vingt ans d'avance assassiné | Tu traînais au bal derrière l'Hôtel-de-Ville |
Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure | Dans les ombres koscher d'un Quatorze-Juillet |
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Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne | Tu avais en ces jours ces accents de gageure |
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit | Que j'entends retentir à travers les années |
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie | Poète de vingt ans d'avance assassiné |
Là-bas où le destin de notre siècle saigne | Et que vengeaient déjà le blasphème et l'injure |
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Debout sous un porche avec un cornet de frites | Tu parcourais la vie avec des yeux royaux |
Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry | Quand je t'ai rencontré revenant du Maroc |
Dévisageant le monde avec effronterie | C'était un temps maudit peuplé de gens baroques |
De ton regard pareil à celui d'Amphitrite | Qui jouaient dans la brumes à des jeux déloyaux |
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Énorme et palpitant d'une pâle buée | Debout sous un porche avec un cornet de frites |
Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume | Te voilà par mauvais temps près de Saint-Merry |
Se couvre de mégots de crachats de légumes | Dévisageant le monde avec effronterie |
Dans les pas de la pluie et des prostituées | De ton regard pareil à celui d'Amphitrite |
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Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne | Enorme et palpitant d'une pâle buée |
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit | Et le sol à ton pied comme au sein nu l'écume |
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie | Se couvre de mégots de crachats de légumes |
Là-bas où le destin de notre siècle saigne | Dans les pas de la pluie et des prostituées |
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Et c'est encore toi sans fin qui te promènes | Et c'est encore toi sans fin qui te promènes |
Berger des longs désirs et des songes brisés | Berger des longs désirs et des songes brisés |
Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées | Sous les arbres obscurs dans les Champs-Elysées |
Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine | Jusqu'à l'épuisement de la nuit ton domaine |
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O la Gare de l'Est et le premier croissant | Oh la Gare de l'Est et le premier croissant |
Le café noir qu'on prend près du percolateur | Le café noir qu'on prend près du percolateur |
Les journaux frais les boulevards pleins de senteur | Les journaux frais les boulevards pleins de senteur |
Les bouches du métro qui captent les passants | Les bouches du métro qui captent les passants |
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Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne | La ville un peu partout garde de ton passage |
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit | Une ombre de couleur à ses frontons salis |
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie | Et quand le jour se lève au Sacré-Coeur pâli |
Là-bas où le destin de notre siècle saigne | Quand sur le Panthéon comme un équarissage |
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La ville un peu partout garde de ton passage | Le crépuscule met ses lambeaux écorchés |
Une ombre de couleur à ses frontons salis | Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change |
Et quand le jour se lève au Sacré-Coeur pâli | Quand le soleil au Bois roule avec les oranges |
Quand sur le Panthéon comme un équarissage | Quand la lune s'assied de clocher en clocher |
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Le crépuscule met ses lambeaux écorchés | Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne |
Quand le vent hurle aux loups dessous le Pont-au-Change | Comme un soir en dormant tu nous en fis récit |
Quand le soleil au Bois roule avec les oranges | Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie |
Quand la lune s'assied de clocher en clocher | Là-bas où le destin de notre siècle saigne |
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Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne | Je pense à toi Desnos et je revois tes yeux |
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit | Qu'explique seulement l'avenir qu'ils reflètent |
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie | Sans cela d'où pourrait leur venir ô poète |
Là-bas où le destin de notre siècle saigne | Ce bleu qu'ils ont en eux et qui dément les cieux |