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La Peinture en Prison

Marco Valdo M.I.
Language: French



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La Peinture en Prison

Lettre de prison 23

31 mai 1935

Dialogue Maïeutique

Les éclairs du Greco


Vingt-troisième lettre de prison, imagine un peu, Lucien l’âne mon ami, et voici encore une canzone qui parle du temps, de l’innocence du prisonnier, de la résistance et comme on dirait maintenant, de la résilience, de sa capacité à se refaire en permanence, de se remettre en route, de se jouer des événements et de poursuivre son chemin avec une obstinée constance. Ce qui est une bonne description de la façon d’être de Carlo Levi. Mais quand même, de cette vingt-troisième chanson perce une désespérance, en tout cas, celle de sa connaissance, celle de sa conscience et de sa science.

Voilà qui ne m’inspire rien de bon, dit Lucien l’âne. Serait-ce que le Dr. Levi en viendrait à désespérer ? Ou est-ce seulement que tel le médecin qu’il était, il voyait les chemins du désespoir, il en comprenait l’itinéraire, sans pour autant s’y engager lui-même ? Et puis, au fait, quel est le titre de la chanson ? J’aimerais le savoir, car tu ne m’en as encore rien dit.

Commençons par le titre pour ne pas te faire languir, mon ami Lucien l’âne. Sache donc que cette vingt-troisième chanson s’appelle « La Peinture en Prison ». Un titre, comme bien tu penses, qui mérite une explication. En premier lieu, il faut écarter l’hypothèse que le peintre emprisonné ait reçu l’autorisation de peindre et tout autant qu’il ait reçu (pu faire venir) le matériel adéquat. Ne va surtout pas croire pareille chose. On en est fort loin. On ne dispose d’ailleurs d’aucun tableau que Carlo Levi, qui en a pourtant peint des centaines, aurait peint en prison. Et pourtant, ce titre correspond à l’idée principale de cette chanson : « peindre en prison ». Comment dire, voici un condensé, voici un résumé de cette peinture en prison :

« peinture du désespoir serait l’exact miroir ; on cherche en soi l’inspiration et le résultat en serait une peinture hallucinée, celle du Greco, de Van Gogh, enflammée. »

Avant de te laisser conclure, je voudrais juste dire quelques mots de Domínikos Theotokópoulos, dit Le Greco et de ses peintures hallucinées ; spécialement de ce tableau plein d’éclairs représentant Tolède sur sa colline ou de celui toujours plein d’éclairs et de femmes nues. Parti de Crète, alias Candie, passant par Venise et Rome, il arrive à Tolède au temps de Philippe II, au temps de la naissance de la Contre-Réforme et de l’Inquisition. Il se devait de peindre des sujets hautement mystiques et religieux – c’était sa prison, mais dans sa peinture à deux langages, il peignait des éclairs, c’était sa colère et sa libération. Il peignait sa révolte sur le fond des toiles. Et cela donne aussi une idée précise de ce que racontera la future peinture de Carlo Levi, cette manière de peindre tordue, torse, ardue, toute en lumière et couleur et mouvements qui sera la sienne, quand il retrouvera sa liberté de peindre.

Oh, dit Lucien l’âne, pour un peintre, à qui comme aux autres prisonniers, on enlève déjà toute vie civile, ce doit être dur à vivre qu’on lui interdise en plus la peinture. Comme si on coupait les ailes à l’oiseau et qu’en plus, on lui interdisait de chanter. Alors, l’oiseau volerait en songe et chanterait en silence, en attendant de retrouver le grand air. Enfin, tu vois ce que je veux dire. Mais quant à nous, tissons le linceul de ce vieux monde inculte, ignare, indifférent et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.

Les éclairs du Greco
Voici le soleil et le vrai printemps
Et l’éloge encourageant
De la solitude entre ces murs
Comme créatrice de tableaux futurs.
Je vais bien en attendant.

Je vis dans la conviction
Qu’aucun mal, aucune privation
Ne pourront me diminuer ;
Que du contraire, elles serviront
À me renforcer.

Un poète disait en telle circonstance :
« Chaque chaîne qu’à mon espérance,
Le destin forgera, je la joindrai
À mon instrument et j’accorderai
À mon chant, sa résonance. »

Sans doute, ce chant entonné
À la musique des chaînes
A des airs baroques.
Il ne faut pas s’en étonner,
C’est le ton de notre époque.

Foin de philosophie,
Ici, se perd l’expérience de la vie,
Tout se réduit à la mémoire
Et une peinture du désespoir
En serait l’exact miroir.

Pour peindre en prison,
On cherche en soi l’inspiration,
Faite de souvenir, de désir, d’aspiration.
On crée une peinture condensée, hallucinée
Celle du Greco, de Van Gogh, enflammée.

Contributed by Marco Valdo M.I. - 2019/4/19 - 21:43




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