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Chanson de la mort violente

René Guy Cadou
Language: French


René Guy Cadou


C’était un mort de mort violente
Un mort trouvé dans un fossé
Quelqu’un qu’on n’avait pas osé
Recouvrir aussitôt de cendre
Et que le ciel avait caché

De le voir si jeune et si pâle
Et si calmement endormi
Dans la mort on avait envie
De mourir d’un amour semblable
Pour mieux revivre auprès de lui

Il portait à son côté gauche
Une étoile qui fut son cœur
Et son beau sang qui faisait peur
Avait coulé jusqu’à sa poche
La gonflant comme un autre cœur

Aimé ses mains gardaient la trace
De son amour et de ses fers
Sa pauvre bouche de travers
Souriait encore sous la grimace
Qu’en mourant il avait dû faire

ll sortait d’un pays d’enfance
Couvert de flammes et d’oiseaux
Un pays qui montait si haut
Qu’il l’avait appelé la France
Et le serrait contre sa peau

Ce n'était pas un patriote
Mais un enfant du premier jour
Qui chantait à tue-tête pour
Dominer le bruit sourd des bottes
Qui effarouchait son amour

Il chantait la fenêtre ouverte
Et si loin portait sa chanson
Qu’on l'entendit dans les prisons
Où sur des murs blancs de salpêtre
Des hommes reposaient leur front

Elle passa dans les campagnes
Suivit la route des laitiers
Devant la porte des chantiers
Elle alluma des feux capables
De réchauffer le monde entier

Lui chantait comme on chante à l’âge
De l’espérance et sans savoir
Que sa chanson devait avoir
Sur tous les hommes de son âge
Le plus merveilleux des pouvoirs

ll voyait au-dessus des villes
Un grand soleil s’eterniser
Et les villages s'embraser
Comme une joue de jeune fille
Au premier regard extasié

Mais par un matin de décembre
Avec des morts sur les trottoirs
On l’emmena au fond du noir
Sans qu’il pût refermer la chambre
Où dormait encor son espoir

S’il vécut alors c’est par crainte
De n’avoir pas assez donné
Son cœur et ses mains sans compter
À tous ces amis dont les plaintes
Le tenaient la nuit éveillé

Il trouva des forces nouvelles
Pour s’enfuir et promit à ceux
Qu’il aimait de songer à eux
Et de leur ramener la Belle
À laquelle ils faisaient doux yeux

Hélas la Belle la très Grande
Celle qu’on nomme Liberté
Il l’a connue dans un fossé
Et c’est un mort de mort violente
Qui s’achemine dans l’été.



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