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Pour un œil les deux yeux

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese



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Pour un œil les deux yeux

Canzone française – Pour un œil les deux yeux – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 41

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.




Quel titre, Marco Valdo M.I. mon ami, quel titre encore une fois. Que me racontes-tu à nouveau là ? Te voilà d'humeur bien belliqueuse, me semble-t-il. C'est carrément une vendetta que tu fais fleurir ainsi subitement.

En effet, Lucien l'âne mon ami, c'est une fleur de vendetta, une fleur pernicieuse et comme tu le sais mieux que moi encore, c'est une fleur sauvage qui pousse depuis la nuit des temps. C'est une fleur qui se veut de justice et parfois, on peut considérer qu'elle l'est. Et parfois, il n'y a pas vraiment d'autre façon de répliquer à certaines effervescences assassines. Ou alors, elle naît d'une colère rentrée, d'une colère un instant impuissante, d'une colère qui a mûri sous la cendre. On pourrait penser à la Loi du talion, dont on dit qu'elle était déjà présente dans les jurisprudences les plus anciennes, mais remarque, Lucien l'âne mon ami, qu'il n'en est rien. Cette « Loi du Talion » se veut un échange équitable : vie contre vie, dent contre dent. Ici, on double la dose et même, bien au-delà si l'on veut bien entendre qu'il y a trente-deux dents dans une bouche complète, dans une gueule humaine, la dose est bien plus considérable... lorsqu'il est dit « pour une dent, toute la gueule ».

Par parenthèse, toute la gueule implique bien plus que trente-deux dents, un vrai massacre, car il faut imaginer que tout le visage y passe et plus encore. Et chez nous les ânes, il y faudrait pulvériser quarante-deux dents. Dès lors, en effet, Lady Godiva a la vengeance bien cruelle.

D'abord, en y réfléchissant, Lucien l'âne mon ami, avant d'aller plus loin dans cette histoire de vengeance, il est important de se souvenir de ce dont il s'agissait. On était en guerre et quelle guerre ! Quel épisode effroyable de la Guerre de Cent Mille Ans où une bête immonde était sortie tout droit des prairies du diable... Elle avait fui son enclos et courait en liberté faisant les plus grands ravages. Une bête folle et enragée, fille d'un nationalisme développé, qui comme tout nationalisme tend à déborder de la marmite où il bout. C'est quelque chose comme une loi de la physiologie des grands groupes humains. Il s'agit de toujours s'en méfier, car même le nationalisme le plus bénin (en apparence) contient en germe ce qui se passa en ces temps-là. Ceci du fait-même de son penchant fâcheux à l'exclusivité. Et si la vengeance fut terrible, elle avait une autre dimension que de satisfaire à une sorte de réparation pour un tort commis – ce qui est le fondement de la « Loi du Talion », laquelle d'ailleurs généralement s'applique aux personnes. Ici, le feu du ciel, s'il répondait au feu du ciel, avait surtout comme ambition de mettre fin à l'existence-même de la bête enragée. Il s'agissait en quelque sorte de la mettre hors d'état de nuire. Et cela a partiellement réussi.

Mais partiellement seulement, car on n'a pas pris la peine ou peut-être n'a-t-on pas voulu se débarrasser vraiment de cette peste, d'en faire disparaître à jamais le fondement. On n'a même pas mis hors d'état de nuire bien des tenants de cette démarche bancale de l'esprit qu'est le nationalisme. Nous les ânes, nous avons depuis très longtemps (et peut-être ne fût-ce jamais le cas, peut-être n'avons-nous jamais tâté de cette liqueur vénéneuse) compris tout le danger de l'idée nationale sous quelque forme qu'elle s'est présentée à nous – Noi, non siamo cristiani, siamo somari... Mais enfin, la canzone...

Comme précédemment, c'est un de ces anciens correspondants de guerre de Signal ou d'Adler qui relate l'histoire et qui – et c'est là ce qui doit aussi retenir l'attention – réfléchit à ce qui s'est passé. Bien sûr, Lucien l'âne mon ami, on aurait pu attendre que le malheur passe et laisser la bête accomplir ses ravages – laisser des peuples entiers mourir dans des camps, attendre que la raison revienne aux hommes... Mais à quel prix ? Bon sang de bonsoir, on aurait pu... Mais aurait-on décemment pu laisser faire ? Laisser faire et attendre dans la sérénité la fin... La fin de qui ? La fin de quoi ?

Pour moi, dit Lucien l'âne se dressant de toute sa taille, il n'y avait pas à tortiller. À cela, sans aucune hésitation à jamais, il convient de toujours résister . Ora e sempre : Resistenza ! Et l'on ne saurait laisser pulluler l'engeance. Et si la folie avait engendré une autre folie antidote, cette dernière avait au moins le mobile de mettre fin au délire collectif. Cela dit, Marco Valdo M.I. mon ami, je suis persuadé que nous n'avons d'autre choix que de tisser maintenant et toujours le linceul de ce vieux monde belliqueux, exploiteur, hautement criminel et cacochyme.


Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Pour un œil les deux yeux
Pour une dent toute la gueule !
Ah, Lady Godiva, par tous les Dieux
Votre vengeance est bien cruelle !



On avait encerclé Stalingrad, écrasé la Pologne
On faisait du tourisme dans le Caucase
On allait en vacances en France
Mais moi, Lady, j'étais de Cologne
J'avais un rendez-vous
Mais pas avec vous, voyez-vous, pas avec vous
Le dentiste a disparu dans les fumées
Et ma dent, alors, fut abandonnée
Et du pont de Deutz et de Köln rampante
Il ne reste qu'une cathédrale fumante
Comme chez vous, Lady, à Coventry
À Coventry, chez vous, Lady,
On avait envoyé cinq cents avions, cinq fois cent
Vous nous en renvoyiez mille, dix fois cent.
Pour un œil les deux yeux
Pour une dent toute la gueule !
Ah, Lady Godiva, par tous les Dieux
Votre vengeance est bien cruelle !


C'était une nuit comme des millions d'autres nuits
Une nuit de lune pleine, une nuit remplie de fureur et de bruits
Une pluie de bombes sur la ville lui brisait les reins
Et l'orage frappait les faubourgs de l'autre côté du Rhin.
J'aidais les deux vieilles à éteindre leurs rideaux et leur literie
Impossible à raconter les cadavres calcinés, toute cette tuerie
Lubeck, Darmstadt, Wurtzbourg, Nuremberg, Hambourg, Berlin
Le ciel tombait sur les têtes du soir au matin
C'est vrai, on avait commencé Guernica, Londres, Rotterdam, Varsovie
Nous avions ouvert les vannes aux détresses infinies
Comme chez vous, Lady, à Coventry
À Coventry, chez vous, Lady,
On avait envoyé cinq cents avions, cinq fois cent
Vous nous en renvoyiez cent mille, mille fois cent.
Pour un œil les deux yeux
Pour une dent toute la gueule !
Ah, Lady Godiva, par tous les Dieux
Votre vengeance est bien cruelle !

inviata da Marco Valdo M.I. - 11/7/2011 - 22:43




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