Lingua   

Les fantômes de Lunebourg (Vakuum im Kopfe)

Marco Valdo M.I.
Lingua: Francese




FÉVRIER 1945 – LA LORELEI


Le Rhin est un cimetière
Les ponts ne sont plus que décombres
L'Allemagne n'est que gravats.
La Lorelei est toujours là.
Mayence est en ruines.
Mayence n'est que ruines.
Sur un trottoir,
Un bouquet de fleurs sèches.
Un bouquet de fleurs se dessèche.
Dans un entonnoir.
« À Baris, tout le monde me brenait bour un Anglais »
Dit le Dr. K. , sorti vivant des feux du ciel.
À Paris, tout le monde le prenait pour un Anglais
Comique et démentiel.


JUIN 1945 – ACCORDÉONS ET HARMONICAS


Trossingen au bord du Danube
Est la ville de l'accordéon
Elle en gave le monde
De ses accordéons
Deux cent mille par an
En temps de paix seulement
Et douze millions d'harmonicas
Dans l'intervalle, l'usine est consacrée
Au matériel de précision et aux fusées.
L'accordéon et l'harmonica
Dans un mélange de cadavres et de flonflons
Mènent la danse des squelettes
Au carnaval pourri du quatrième Reich.
Dans un mélange de cadavres et de flonflons
Mènent la danse des squelettes
Au carnaval pourri du quatrième Reich.


JUIN 1945 – RÉMINISCENCES


Schörtsingen – réminiscences :
Au-dessus du plateau battu par les vents
Une baraque seule dans le temps
Deux crochets, une potence
Un camp de travail, quatre miradors
On sent rôder du fantôme et de la mort.
Une odeur compliquée, un remugle intense
Le grand massacre
Commença par une promenade
En septembre mil neuf cent quarante-quatre.
Il ne finit qu'en mars de l'année suivante.
Un à un, on sortit les cadavres du charnier
On en compta cinq cent cinquante.
Peut-être, y en a-t-il d'autres encore cachés.
À l'arrivée des Français, les fosses béaient
Un pendu ou deux perdaient la tête
Aux crochets de l'escarpolette.
Quarante SS les gardaient.
Et l'écho répondait têtu,
D'un glas lourd
Fera-t-on la quête à Oradour
Pour un monument au SS inconnu ?


AOÛT 1945 – BAVIÈRE - MADAME SCHMIDT


La plupart des vrais hitléristes
Dans un vif sentiment d'anti-naziste.
Ont jeté leur nerf de bœuf
La devanture est peinte à neuf.
Madame Schmidt dit :
Ils nous avaient promis
À deux mille marks en deux ans
Par mois, l'auto pour tous,en avant !
En 39 : changement de programme
L'auto, c'est pour la patrie.
En temps de guerre, vous comprenez, Madame
On donne tout à la patrie.
On n'a pas eu de voiture
On n'a plus eu de patrie
L'argent est resté à la guerre.
Il n'est jamais revenu
Cette clique, cette charogne...
Ils nous ont bien eus.
Madame Schmidt dit :
Ils nous avaient promis...
Ils nous ont bien eus.


LUNEBOURG – OCTOBRE 1945 – AU TRIBUNAL : INTERROGATOIRES


Vous saviez qu'il était très mal de tuer ces femmes et ces enfants ?
Oui.
Et vous en tuiez tous les jours ?
Oh non, pas tous les jours !


Combien vos fours ont-ils fait de victimes ?
Je ne sais pas.
Combien de centaines de personnes avez-vous mises dans les camions du crématoire ?
Je ne sais pas.
Combien de milliers ?
Je ne sais pas...
Combien de millions...


LUNEBOURG – 4 OCTOBRE 1945 – LE PAYS DE L'OGRE


Au pays de l'Ogre
Là où il ne reste plus mie
Une harpe, un pupitre
À Lunebourg au bout de la nuit
Un oiseau devant le tribunal
Petit Poucet : « Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. »
Petit Poucet de treize ans
L'avant-bras gauche tatoué en bleu infernal
D'un matricule modèle Auschwitz désespérant
Avait sauté du train juste à temps
Ils ont brûlés vifs tous les autres enfants.
L'Allemagne de l'Ogre
Était un conte de fées.
Peuplée de foules enthousiasmées
Saturée d'ombres et de ténèbres


LUNEBOURG – 5 OCTOBRE 1945 – LA FINE FLEUR


Comme à une noce du Douanier Rousseau.
Dos raide, œil de veau
Les accusés sur le banc
Comme à l'ordinaire, bien en rang
Oreilles décollées, asymétries faciales.
Infectés d'une supériorité raciale.
La fine fleur de la race aryenne.
Tous SS, tous de foi hitlérienne.


LUNEBOURG – 5 OCTOBRE 1945 – UN TÉMOIGNAGE


Témoignage véridique
L'accusé Schreiber, le premier du lot
Aimait le violon, la musique,
Sa maman et les petits oiseaux


LUNEBOURG – 8 OCTOBRE 1945 - KRAMER


Au début, Kramer faisait son jardin
Il commençait comme çà, tous les matins.
Kramer était un homme ordinaire
Un fonctionnaire... Soucieux de bien faire
Kramer était un homme d'ordre
Respectueux des ordres, soucieux du bon ordre
Il avait commencé sa carrière
En Alsace, à Natzweiler,
Il y avait construit une chambre à gaz : la première
À la fin, Kramer faisait toujours son jardin,
Kramer dirigeait à Belsen, un camp pour malades
Septante-deux mille malades, deux médecins
Une invasion de mourants en cascade
Des trains, des trains... à toutes les heures
Un océan de morts submergeaient les tueurs.


LUNEBOURG – 12 OCTOBRE 1945 - Vakuum im Kopfe


Pour la défense des SS, c'étaient des militaires
Des officiers, des soldats
Le procès est une erreur judiciaire
La Gestapo ne savait pas
Qu'elle arrêtait des condamnés
Le médecin ne savait pas
Pourquoi il sélectionnait les prisonniers
Le pourvoyeur du crématoire ne savait pas
Ce qu'on devient dans un four
Le chauffeur ne savait pas
Ce qu'il brûlait dans le même four.
Personne ne savait rien.
Pourtant, c'étaient tous des ex-hitlériens.
L'ignorance s'était emparée
Du pays d'Hitler et des Allemands
L'amnésie s'était installée.
Dans aucune nation, jamais auparavant
Cinq millions d'hommes n'étaient
Disparus si confidentiellement.
Vakuum im Kopfe
Vous reprendrez bien un café ?
Vakuum im Kopfe
Vous reprendrez bien un café ?



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