Langue   

Le petit commerce

Boris Vian
Langue: français


Boris Vian


J’ai vendu du mouron, mais ça n’a pas marché ;
J’ai vendu des cravates, les gens étaient fauchés ;
J’ai vendu des ciseaux
Et des lames de rasoir,
Des peignes en corozo,
des limes et des hachoirs ;
J’ai essayé les fraises,
j’ai tâté du muguet ;
J’ai rempaillé des chaises,
Réparé des bidets ;
Je tirais ma charrette
Sur le mauvais pavé,
J’allais perdre la tête,
Mais j’ai enfin trouvé :
Je roule en Cadillac dans les rues de Paris
Depuis que j’ai compris la vie ;
J’ai un petit hôtel, trois domestiques et un chauffeur
Et les flics me saluent comme un des leurs.
Je vends des canons,
des courts et des longs,
Des grands et des petits,
J’en ai à tous les prix –
Y a toujours amateur pour ces délicats instruments.
Je suis marchand d’canons, venez me voir pour vos enfants !

Canons à vendre !

Avec votre ferraille,
On forge ces engins
Qui foutront la pagaille
Parmi ceux du voisin.
Ça donne de l’ouvrage
À tous les ouvriers,
Et chacun envisage
De fonder un foyer.
Pour se faire des finances,
On fabrique des lardons ;
On touche l’assurance
Et les allocations ;
Ça n’a pas d’importance,
Car lorsqu’ils seront grands,
Ils iront en cadence
Crever pour quelques francs.
Je vendais des canons dans les rues de la terre,
Mais mon commerce a trop marché ;
J’ai fait faire des affaires à tous les fabricants d’cimetières,
Mais moi maintenant, je me retrouve à pied.
Tous mes bons clients
Sont morts en chantant
Et seul dans la vie,
Je vais sans souci.
Au coin des vieilles rues, le cœur content, le pied léger,
Je danse la carmagnole, y a plus personne sur le pavé.

Canons en solde !



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