| FRANCESE / FRENCH [2] - Jacky Fluttaz
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LA GUERRE DE PIERRE | LA GUERRE DE PIERRE |
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Tu reposes étendu dans un champs de blé | Tu dors enfoui sous un grand champ de blé |
Ce n'est pas la rose, ce n'est pas l'œillet | Ce ne sont ni les roses ni les tulipes |
Qui te veillent depuis l'ombre des fossés | Qui veillent sur toi par ce beau soir d'été |
Mais ce sont mille coquelicots rouges. | Mais ce sont mille coquelicots rouges |
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Le long des berges de mon torrent | Dans les remous de mon torrent |
Je veux que descendent les poissons d'argent | Je veux que descendent des lumières argentées |
Et non plus les cadavres des soldats | Et non plus les cadavres des soldats |
Emportés par le courant. | Portés par les bras du courant |
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Ainsi pensais-tu, et c'était l'hiver | Ainsi tu parlais, et c'était l'hiver |
Et comme les autres vers l'enfer | Et comme tant d'autres vers l'enfer |
Tu t'en vas triste comme il se doit | Tu t'en vas triste comme celui qui boit |
Le vent te crache la neige au visage. | Plein de rancoeur et de désarroi |
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Arrête-toi, Pierre, arrête-toi maintenant | Arrête-toi Pierre vaille que vaille |
Laisse que le vent te caresse un peu | Laisse le vent passer par-dessus toi |
Des morts en bataille il emporte la voix | Des morts à la bataille il te porte la voix |
Qui donna sa vie en échange eut une croix. | Eux qui donnèrent leur vie pour une croix |
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Mais tu ne l'entendis pas et le temps passa | Mais sans que tu l'entende le temps a passé |
Avec les saisons, sur un pas de java | Et les saisons aussi, à pas feutrés |
Et tu parvins à percer la frontière | Tu es arrivé tout près d'une rivière |
Par un belle matinée printanière. | Un jour où perçaient les premières primevères |
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Et pendant que tu marchais, ta peine en fardeau | Et tout en marchant ton arme à la main |
Tu vis un homme au fond de la vallée | Tu vois un homme dans le petit matin |
Qui partageait avec toi ton humeur | Qui comme toi laisse voir la même peur |
Mais son uniforme était d'une autre couleur. | Mais dont l'uniforme est d'une autre couleur |
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Tire, Pierre, tire maintenant ! | Tire donc Pierre, tire sans attendre |
Et après le premier coup, tire encore, | Et tire encore sans chercher à comprendre |
Jusqu'à ce que tu ne le voies, tout blanc, | Jusqu'à ce que tu le voies agonisant |
Glisser à terre et recouvrir son sang. | Tomber à terre recouvert de son sang |
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Mais si je tire au front ou dans le cœur | Et si tu lui tire en plein dans le coeur |
Il n'aura que le temps de mourir | Il aura juste le temps pour mourir |
Mais il me restera le temps pour cueillir | A moi juste le temps pour soutenir |
Le dernier regard d'un homme qui se meurt. | Soutenir le regard d'un homme qui meurt |
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Et pendant que tu lui accordes ce répit | Mais tu réfléchis trop et c'est là ton erreur |
Celui-là se retourne, te vois et s'affole | Car lui se retourne te vois et a peur |
Et, saisissant l'artillerie | Et s'emparant de son artillerie |
Ne te rend pas ta courtoisie. | Il ne te rend pas la courtoisie |
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Tu tombas à terre sans une plainte | Tu chus à terre tout doucement |
Et t'aperçus en un instant | Et tu t'aperçus en un instant |
Que le temps allait te manquer | Que le temps ne te serait pas donné |
Pour expier chaque péché. | Pour rendre compte de tous tes péchés |
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Tu tombas à terre sans une plainte | Tu chus à terre tout doucement |
Et t'aperçus en un instant | Et tu t'aperçus en un instant |
Que ta vie s'arrêtait en ce jour | Que ta pauvre vie finissait à ce jour |
Et qu'il n'y aurait pas de retour. | Et qu'il n'y aurait pas de possible retour |
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Ma Ninon, pour crever en mai | Ô mon amour crever au mois de mai |
Il faut beaucoup, trop de courage | C'est vraiment trop dur si tu savais |
Ma belle Ninette, tout droit en enfer | Ô mon amour pour me rendre en enfer |
J'aurais préféré partir en hiver. | J'aurais mille fois préféré l'hiver |
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Et pendant que le blé t'écoutait | Et dans le blé tu gisais sans vie |
Dans tes mains ton fusil tu serrais | Dans tes mains raides tu serrais ton fusil |
Dans ta bouche tu serrais des mots | Et dans ta bouche demeuraient des merveilles |
Trop gelés pour se fondre au soleil. | Trop gelées pour aller vers le soleil |
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Tu reposes étendu dans un champs de blé | Tu dors enfoui sous un grand champ de blé |
Ce n'est pas la rose, ce n'est pas l'œillet | Ce ne sont ni les roses ni les tulipes |
Qui te veillent depuis l'ombre des fossés | Qui veillent sur toi par ce beau soir d'été |
Mais ce sont mille coquelicots rouges. | Mais ce sont mille coquelicots rouges |