Original | Il testo di "Carcassonne", la poesia di Gustave Nadaud (1866)... |
LE NOMBRIL DES FEMMES D'AGENTS | CARCASSONNE |
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Voir le nombril d'la femm' d'un flic | "Je me fais vieux, j'ai soixante ans, |
N'est certain'ment pas un spectacle | J'ai travaillé toute ma vie |
Qui, du point d'vue de l'esthétiqu' | Sans avoir, durant tout ce temps, |
Puiss' vous élever au pinacle | Pu satisfaire mon envie. |
Il y eut pourtant, dans l'vieux Paris | Je vois bien qu'il n'est ici-bas |
Un honnête homme sans malice | De bonheur complet pour personne. |
Brûlant d'contempler le nombril | Mon vu ne s'accomplira pas : |
D'la femm' d'un agent de police | Je n'ai jamais vu Carcassonne !" |
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"Je me fais vieux, gémissait-il | "On voit la ville de la-haut, |
Et, durant le cours de ma vie | Derrière les montagnes bleues; |
J'ai vu bon nombre de nombrils | Mais, pour y parvenir, il faut, |
De toutes les catégories | Il faut faire cinq grandes lieues, |
Nombrils d'femm's de croqu'-morts, nombrils | En faire autant pour revenir ! |
D'femm's de bougnats, d'femm's de jocrisses | Ah ! si la vendange était bonne ! |
Mais je n'ai jamais vu celui | Le raisin ne veut pas jaunir |
D'la femm' d'un agent de police" | Je ne verrai pas Carcassonne !" |
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"Mon père a vu, comm' je vous vois | "On dit qu'on y voit tous les jours, |
Des nombrils de femm's de gendarmes | Ni plus ni moins que les dimanches, |
Mon frère a goûté plus d'une fois | Des gens s'en aller sur le cours, |
D'ceux des femm's d'inspecteurs les charmes | En habits neufs, en robes blanches. |
Mon fils vit le nombril d'la souris | On dit qu'on y voit des châteaux |
D'un ministre de la Justice | Grands comme ceux de Babylone, |
Et moi, j'n'ai même pas vu l'nombril | Un évêque et deux généraux ! |
D'la femm' d'un agent de police" | Je ne connais pas Carcassonne !" |
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Ainsi gémissait en public | "Le vicaire a cent fois raison : |
Cet honnête homme vénérable | C'est des imprudents que nous sommes. |
Quand la légitime d'un flic | Il disait dans son oraison |
Tendant son nombril secourable | Que l'ambition perd les hommes. |
Lui dit: "Je m'en vais mettre fin | Si je pouvais trouver pourtant |
A votre pénible supplice | Deux jours sur la fin de l'automne... |
Vous fair' voir le nombril enfin | Mon Dieu ! que je mourrais content |
D'la femm' d'un agent de police" | Après avoir vu Carcassonne !" |
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"Alleluia ! fit le bon vieux | "Mon Dieu ! mon Dieu ! pardonnez-moi |
De mes tourments voici la trêve ! | Si ma prière vous offense ; |
Grâces soient rendues au Bon Dieu | On voit toujours plus haut que soi, |
Je vais réaliser mon rêve !" | En vieillesse comme en enfance. |
Il s'engagea, tout attendri | Ma femme, avec mon fils Aignan, |
Sous les jupons d'sa bienfaitrice | A voyagé jusqu'à Narbonne ; |
Braquer ses yeux sur le nombril | Mon filleul a vu Perpignan, |
D'la femm' d'un agent de police | Et je n'ai pas vu Carcassonne !" |
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Mais, hélas ! il était rompu | Ainsi chantait, près de Limoux, |
Par les effets de sa hantise | Un paysan courbé par l'âge. |
Et comme il atteignait le but | Je lui dis : "Ami, levez-vous ; |
De cinquante ans de convoitise | Nous allons faire le voyage." |
La mort, la mort, la mort le prit | Nous partîmes le lendemain ; |
Sur l'abdomen de sa complice | Mais (que le bon Dieu lui pardonne !) |
Il n'a jamais vu le nombril | Il mourut à moitié chemin : |
D'la femm' d'un agent de police. | Il n'a jamais vu Carcassonne ! |